HISTOIRE DE LA CESARIENNE A/ TERMINOLOGIE L’origine du mot " césarienne " a été l’objet de controverses. Selon la légende (interprétation d’un texte de Pline l’ancien) (23-75 après J.C), ce mot provient du nom du premier des césars : Julius César, en raison de l’opération à laquelle il aurait dû sa naissance (150). Cependant, selon Friedrich Osiander, Aurélia, mère de Julius César survécut de nombreuses années après son accouchement (73) ; or une telle opération, à cette époque, couronnée d’un tel succès est invraisemblable.
L’histoire de l’opération césarienne peut être divisée en quatre périodes :
- De l’antiquité au moyen âge : césarienne post mortem
- Du XVIe siècle au XIXe siècle : césariennes sur femmes vivantes
- XIXe siècle et début du XXe siècle : avènement de l’asepsie chirurgicale
1/ DE L’ANTIQUITE AU MOYEN AGE Mythologie et légendes
L’origine de la naissance par ouverture de l’abdomen se trouve dans les légendes et la mythologie. Sa motivation a été d'attribuer à certains dieux et héros le privilège de naître par voie abdominale, des flancs le plus souvent, pour éviter la voie naturelle si proche des émonctoires qui n’étaient bonnes que pour les pauvres mortels (150) :
Dans l’Inde antique, Indra, le dieu suprême, refuse de venir au monde autrement qu’en sortant du flanc droit de sa mère (10,127).
Bouddha est né également du flanc droit de sa mère (150).
Dans la mythologie grecque, la mère de Dyonisos, Sémélé, ayant défié son amant, le dieu Zeus, et lui demandant de faire la preuve de sa puissance divine, celui-ci apparut alors la foudre à la main, entraînant par imprudence l’incendie au palais et la mort de Sémélé alors enceinte de 6 mois. Zeus, saisi de regret,
retira Dyonisos du ventre de sa mère et le réimplanta dans sa cuisse jusqu’à maturité (151). ( zeus les zooommes )Esculape, dieu de la médecine, fût arraché du ventre de sa mère Coronis, l’infidèle, par son père Apollon sur le bûcher.
Histoire ancienne et moyen âge : césarienne post mortem
Pour des populations d’Afrique centrale et orientale, il fallait extirper l’organe malade (le fœtus) du cadavre, car celui-ci peut être cause de la mort. Le but est de soustraire les maléfices qui peuvent retomber sur les survivants.
Chez les Romains, les Etrusques et certaines populations de l’Inde, une césarienne post mortem devait être pratiquée pour toute femme morte au terme d’une grossesse. Le fœtus sera enterré et la mère incinérée (9,56).
Pompilius, roi légendaire de Rome (715-673 avant J.C.) avait codifié la césarienne post mortem dans la " lex régia " (loi royale), interdisant l’inhumation d’une femme enceinte avant que l’enfant n’eut été extrait. Le régime impérial (celui des césars) continua à appliquer cette loi dans la " lex caesarea ".
Plus tard, l’église catholique recommanda la césarienne post mortem pour ne pas faire perdre les bienfaits du baptême à un enfant sur le point de naître (127)
Au XIVe et XVe siècle, apparût la notion de sauvetage de l’enfant par césarienne post mortem. Pour y parvenir, il fallait en plus maintenir au préalable " la bouche ouverte " pour que l’air arrive au fœtus qui sera extrait le plus rapidement possible (10).
2/ DU XVIe SIECLE AU XIXe SIECLE : CESARIENNES SUR FEMMES VIVANTES On ne sait pas très bien qui a fait la première césarienne sur femme vivante ni quand (10).
Selon certains récits de la fin du XVIe siècle, la première césarienne aurait été réalisée en 1500 non pas par un médecin mais par un éleveur de porcs suisse : Jacques Nüfer. Sa femme Elisabeth resta en travail pendant de longues heures et ne pût accoucher malgré les efforts de 13 sages femmes. Son mari demanda alors la permission, auprès des autorités, d’intervenir lui-même. Elisabeth Nüfer guérit et accoucha même plus tard à cinq reprises dont une fois de jumeaux. L’enfant né vécut jusqu’à l’âge de 77 ans (51). L’authenticité d’un tel récit n’est pas certaine ou alors il s’agirait d’une laparotomie ayant permis d’extraire le fœtus d’une grossesse abdominale, le placenta ayant été laissé en place et l’utérus intact.
D’autres récits attribuent la première césarienne à Cristophores Bainus (Italie, 1540).
D’autres encore l’attribuent à Trautmann De Wittemberg en 1610.
Mais, c’est à François Rousset (Avignon 1581) que l’on doit la première description de la technique de la césarienne sur femme vivante (bien qu’il n’aurait jamais pratiqué ou même assisté à une telle intervention) dans son traité intitulé " Enfantement césarien " (51). Il précisait notamment :
la vidange de la vessie avant l’opération,
l’incision paramédiane droite ou gauche,
l’utilisation de deux types de bistouris : l’un " rasoir à pointe ", l’autre " rasoir à bouton " pour ne pas blesser
le bébé,
pas de suture de l’utérus qui se resserre de lui-même,
drainage de l’utérus par la mise en place d’un pressaire en cire,
fermeture de la paroi abdominale (10).
Mais, il avait minimisé les deux principales complications responsables d’une mortalité maternelle très élevée : l’hémorragie et l’infection.
En effet, du XVIe au XIXe siècle, le nombre de césariennes augmenta mais cette intervention était très meurtrière (10) :
France : - Baudelocque : 42 décès sur 73 interventions (58 % de mortalité)
Budin : aucune survivante de 1787 à 1876 à Paris.
Angleterre : 85 % de mortalité
USA : 1 seule survie sur 12 interventions.
Une rive polémique s’installa entre les opposants dont le pionnier était Jean François Saccombes et les partisans dont Baudelocque et Dubois étaient les chefs de file.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la césarienne est restée une intervention d’exception pratiquée uniquement " lorsque le bassin est si rétréci que la main de l’accoucheur ne peut y être introduite ou que le vagin est rempli de tumeurs " selon les obstétriciens de l’époque. Par ailleurs, la suture de l’hystérotomie, seule capable de juguler l’hémorragie, était considérée dangereuse car se compliquait d’infection et empêchait un bon drainage. Pour cela, Edoardo Porro (Milan, Mai 1878) procéda comme suit :
désinfection des mains avec une solution diluée d’acide carbonique
ouverture de l’abdomen,
extraction du fœtus,
extériorisation de l’utérus
mise en place d’un garrot à visée hémostatique autour du segment inférieur,
toilette de la cavité abdominale avec de l’acide carbonique
fermeture de la paroi sur utérus extériorisé,
résection de l’utérus au-dessus de la zone extériorisée : hystérectomie subtotale,
nombreux lavages de la plaie et du vagin (champagne et laudanum).
Malgré la mutilation, un progrès incontestable a été réalisé par l’intervention de Porro qui a permis de réduire, entre 1876 et 1901, le taux de mortalité maternelle à 25 % et le taux de mortalité fœtale à 22 %.
La suture de l’hystérotomie fût pratiquée :
la première fois, par Lebas en 1769 avec un fil de soie où la patiente a survécu malgré une infection post opératoire (127),
puis, par Pollen (USA) en 1852,
mais ce n’est qu’en 1882 (6 ans après l’intervention de Porro) que Max Sänger développa une technique de suture de l’hystérotomie qui permit de lutter contre l’hémorragie mais sans mutilation ; ce qui a permis d’abandonner l’intervention de Porro. C’est la césarienne dite " classique ".
3/ XIXe SIECLE ET DEBUT DU XXe SIECLE : AVENEMENT DE L’ASEPSIE CHIRURGICALE La suture de l’hystérotomie développée par Max Sänger (1882) a permis d’abaisser le taux de mortalité maternelle à 10 %. Potocki (1886) préconisa la suture du corps utérin en deux plans:
le premier, musculo-sous muqueux,
le deuxième, séro-séreux, enfouissant le premier (10).
En dépit de cette suture qui a permis d’assurer une bonne étanchéité, l’infection resta la principale cause mortalité maternelle port opératoire.
Deux améliorations apparaîtront par la suite :
l’asepsie : Semmelweis-Pasteur,
l’hystérotomie segmentaire sous péritonéale.
L’Asepsie
La notion d’asepsie est apparue à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle à partir de l’école de Vienne et de l’école Pasteurienne.
L’infection peut être d’origine :
exogène d’où l’utilité de l’asepsie opératoire
ou endogène d’où l’intérêt de la prévention de l’infection ovulaire (10).
La césarienne segmentaire sous péritonéale (1921-1945)
La césarienne segmentaire : Ses précurseurs semblent être Duncker (1771) et Osiander (1821). Elle fût codifiée par Sänger en 1882 (année au cours de laquelle il a décrit la suture de l’hystérotomie).
La césarienne sous péritonéale : Exécutée la première fois par Alexander Skene (1876), elle ne passa dans les mœurs que sous l’influence de Frank (1907) et Selhkein (1908).
La combinaison : césarienne segmentaire sous péritonéale a été vulgarisée par Brindeau en 1921 (10).
Depuis, les principes de la technique de la césarienne n’ont pas varié. En 1882, Léopold écrivit : "Kehler et Sänger (1882) ont eu le mérite de dénouer le nœud gordien de l’obstétrique que Porro (1878) a simplement tranché" (148).
Enfin, Plannenstiel (1906) proposa comme voie d’abord pariétale l’incision transversale de l’abdomen.
4/ PERIODE MODERNE C’est d’abord l’avènement de l’antibiothérapie, la pénicilline en 1940 puis les autres antibiotiques. Ensuite, les progrès remarquables dans le domaine de l’anesthésie-réanimation mais aussi de la transfusion. Puis, la découverte des ocytociques. Enfin, les connaissances sur la vitalité du fœtus in utero se sont beaucoup développées. Tous ces facteurs ont conduit à une augmentation parfois considérable du nombre de césariennes.