Le professeur Pierre Chaulet est décédé hier matin des suites d’une longue maladie, à l’âge de 82 ans, apprend-on de sources proches de sa famille. Il sera inhumé mardi au carré chrétien du cimetière de Diar Essaada. Médecin et journaliste, résistant durant la guerre de Libération, l’homme était connu pour son patriotisme, son sens du devoir, son engagement humaniste et son attachement à des valeurs de justice, de fraternité et de liberté. Ici, une synthèse de son parcours peu ordinaire.
Né en 1930 à Alger de parents nés en Algérie, catholiques sociaux engagés dans le syndicalisme chrétien, son père Alexandre fut le président de la CFTC pour l’Afrique du Nord et membre du Bureau confédéral de la CFTC. Il fait ses études primaires et secondaires au Collège des jésuites de Notre-Dame d’Afrique, puis s’inscrit à la faculté de médecine d’Alger.
C’est à l’université, entre 1947 et 1950, qu’il prend conscience des limites du réformisme social, ainsi que de la puissance du mouvement d’émancipation des peuples colonisés. Devenu responsable des mouvements de jeunesse éducatifs catholiques (notamment par le scoutisme), il participe aux contacts pris en 1951 entre les responsables de mouvements de jeunesses en Algérie. Il est parmi les créateurs de l’AJAAS (Association de la jeunesse algérienne pour l’action sociale) en 1952, et membre du comité de rédaction de la revue Consciences maghrébines.
Il participe régulièrement, jusqu’en 1962, au Comité de rédaction d’El Moudjahid en langue française aux côtés de F. Fanon, Ahmed Boumendjel et Réda Malek et à diverses activités du ministère de l’Information du GPRA, tout en continuant d’exercer sa profession de médecin spécialiste dans le secteur de santé publique de la jeune République tunisienne et dans la base tunisienne de l’ALN.
Il participe aux groupes chargés de préparer des dossiers pour les pourparlers algéro-français qui aboutiront aux Accords d’Evian. Après l’indépendance du pays, la nationalité algérienne lui est officiellement reconnue en juillet 1963, sa carrière professionnelle est consacrée à la santé publique. Il est d’abord médecin spécialiste, puis Assistant et enfin Maître-Assistant, puis Maître de conférences agrégé dans la clinique de pneumo-phtisiologie du Centre hospitalo-universitaire (CHU) de Mustapha jusqu’en 1971.
Il devient par la suite professeur, chef de service au CHU de Beni-Messous de 1972 à 1994. A ce poste, il contribua avec ses collègues à l’organisation de la lutte contre la tuberculose au niveau national et au développement de la recherche des stratégies de prise en charge des principales maladies respiratoires en Algérie. Parallèlement, il a été délégué à l’Assemblée populaire communale d’Alger de 1967 à 1971 et vice-président de l’Observatoire national des droits de l’homme de 1992 à 1996. De juin 1992 à février 1994, il est chargé de mission (pour le secteur de la santé) auprès du chef du gouvernement, Bélaid Abdeslam, puis Rédha Malek.
En 1994, directement menacé par le terrorisme, il s’exile à Genève où il travaillera pendant quatre ans et demi comme médecin de l’OMS dans le programme Mondial de lutte contre la tuberculose, accomplissant à ce titre de nombreuses missions en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. De retour au pays en 1999, il fait partie du Comité national des experts de la tuberculose et des maladies respiratoires auprès du ministère de la Santé et consultant en stratégies de santé auprès du Conseil National Economique et Social (CNES) depuis 2006. Au cours de l’année 2010, il coordonne la commission chargée de la réflexion sur la loi sanitaire par le ministère de la Santé.
A ce titre il a été honoré en décembre 2011 à l'occasion du cinquantenaire de l'agence. Au printemps 2012, il publie, avec son épouse Claudine, un livre autobiographique intitulé Le choix de l'Algérie, deux voix, une mémoire, dans lequel le couple explique son engagement patriotique en se mettant au service de la libération du pays et de son édification.
C’était là l’occasion de lui rendre hommage, un hommage amplement mérité organisé à l’initiative de l’Association Mechaâl Echahid et du journal El Moudjahid en collaboration avec la commune d’Alger-Centre et qui a eu lieu au forum du quotidien El Moudjahid.
R. Khettab Journal El Moujahid 06/10/2012